Halte imprévue

Date d'inscription : 10/04/2017

Halte Imprévue

Caranthir Morifinwë & Ylengil (Sauron)

Il revenait d’Athrad où il avait passé un ou deux jours en tant que simple vagabond avant d’être chassé de l’endroit par certains soldats de la garde. Cela ne faisait rien ; il s’était exécuté, le dos courbé, avançant lentement tel un vieillard s’appuyant sur un bout de bâton. Le mal était fait. Ses hommes avaient infiltré les rangs de la garnison sur place, gravissant doucement les échelons les menant aux hautes sphères décisionnaires du lieu, pas seulement pour cette cité mais pour toute la région de l’Est du Beleriand. Le mal avait insinué sa graine et le peu de temps où il fut sur place, il la vit germer et pousser. A termes, son ombre recouvrira cet endroit et tous ceux qui y vivent tomberont sous son joug. Il s’en délecta d’avance tandis qu’il passait les portes de la cité et errait sur les terres de l’Ossiriand. Il franchit le fleuve au niveau de son pont et ce n’est alors qu’une idée lui vint, alors que son regard voilé de vieillard aperçu au loin les tours d’une cité qui ne devait être autre qu’Amon Ereb. Au lieu donc de s’envoler sous la forme d’un oiseau noir vers le Nord et Tol-in-Gauroth, il changea d’apparence et prit celle d’une jeune Elfe aux longs cheveux d’ébène. Habillée telle une voyageuse écumant les routes du Beleriand sans réelle attache auprès d’une cité quelconque, il se dirigea vers la haute tour qu’il voyait poindre au loin.

Plus il approchait, plus la silhouette de la cité se dessinait avec netteté. Ce fut d’abord près de cette grande tour unique, au Nord, qu’il passa. Il suivit d’autres caravanes de voyageurs et de marchands et lorsqu’on l’arrêta à son tour pour demander les raisons de sa venue à Amon Ereb, il répondit d’une voix douce et claire comme l’eau d’un ruisseau :

Je ne suis qu’une humble voyageuse qui désire faire halte un ou deux jours dans la cité de la Colline Solitaire.

Et on le laissa passer, Sauron s’inclinant avec respect face à ces gardes avant de poursuivre son chemin vers les portes de la cité en elle-même. Les murs qui l’entouraient lui semblaient hauts de trois mètres environ et, une fois à l’intérieur, il découvrit avant tout un lieu de vie comme un autre plutôt qu’une place forte militaire. Un grand quartier marchand, des habitations, des auberges…Forcément, vu son emplacement sur les routes menant vers tous les territoires du Beleriand, Amon Ereb était la halte privilégiée des voyageurs, comme celle pour laquelle il se faisait passer. Loin de vouloir s’arrêter immédiatement dans la première auberge venue, il poursuivit son chemin vers les sommets de la colline, approchant de ce qui devait être la demeure du Seigneur des lieux. Plus il s’en approchait, plus un malin sourire se dessinait sur son visage. Il n’y avait peut-être rien à tenter ici ; Sauron savait pertinemment que les Elfes étaient les plus difficiles à manipuler et surtout à corrompre. Leur force résidait dans leur sagesse, leur tempérance et la force habitant leur coeur. Mais Sauron était aussi persuadé que, parmi eux, il y en avait forcément capable de noirceur et de méfaits. Le tout était de trouver la faille qui les rend faibles…

Il arriva au sommet d’une volée de marches blanches et, plutôt que de poursuivre tout droit vers l’intérieur de la demeure, il prit sur sa droite et s’arrêta au niveau d’un balcon d’où il avait une vue sur tout l’Ossiriand mais aussi vers le Sud avec Taur-im-Duinath et également le Nord avec Minas Estolad, point minuscule à peine visible à l’horizon. Il posa son sac factice et s’appuya contre le balcon, songeant à tout ce que cette place lui apporterait, leur apporterait, si elle tombait sous son joug, bien que son emplacement la rende difficilement prenable. Aucune attaque ne pouvait passer inaperçue vu sa position en hauteur, sans parler de la haute tour qui donnerait forcément l’alerte avant même que les sentinelles de la cité ne voient les assaillants. Cependant, il ne put poursuivre le cheminement de ses pensées car il sentit une présence dans son dos. Quelqu’un l’observait et s’approchait de lui. Se redressant, il se retourna et s’inclina humblement devant celui qui devait être un des dirigeants du lieu vu sa stature et son apparence, sinon LE Seigneur d’Amon Ereb :

Mon Seigneur, fit-il toujours de cette voix douce et gracieuse. Pardonnez-moi si ma présence ici n’est pas souhaitée. Je ne désirais rien de plus que de pouvoir admirer la beauté de ces terres depuis le sommet de votre cité.

(c) DΛNDELION