Grand et d'une stature élancée, Mairon n'a plus rien du Maia qu'il fut autrefois, si ce n'est son apparence séduisante dont il revêt les traits pour tromper les esprits faibles et les corrompre. Pouvant changer d'apparence physique à volonté, il est très difficile de le décrire tel qu'il est réellement. Tour-à-tour vampire, chauve-souris géante, loup-garou terrifiant, sombre guerrier au visage dissimulé derrière un heaume impressionnant ou encore elfe séduisant, seul son entourage proche peut dire à quoi il ressemble réellement: un homme dont la taille avoisinne le 1m90, au visage fin doté d'une bouche aux lèvres fines s'ouvrant pour dévoiler une dentition parfaite. Ses yeux, autrefois aux iris bleus azur, sont désormais aussi rouge que le sang,une couleur qui s'étend jusqu'à ses cheveux, longs et cependant coiffés à la manière des Elfes. Musclé, il n'emploit cependant que rarement directement sa force physique envers ses ennemis...Il leur préfère de loin l'intimidation que seule son apparence procure ou encore l'utilisation de ses pouvoirs, toujours plus puissants et obscurs de par sa grande proximité avec le Noir Ennemi.

Malgré tout, Sauron est doté d'un caractère extrêmement calme et réfléchi, y compris dans ses moments les plus cruels. Peu loquace mais néanmoins capable de comprendre toutes les langues de ce monde à part l'Entique, ce n'est qu'à Melkor qu'il parle réellement. Tous les autres n'ont guère d'importance pour lui, y compris Glaurung ou encore Gothmog car Sauron se considère comme infiniment supérieur à eux. Il les tolère car il voit bien qu'ils jouissent d'une certaine considération de la part de Melkor mais souhaite secrètement les voir disparaître pour être le seul sur qui Melkor peut se reposer. Ses sourires sont aussi charmeurs que dangereux et ceux à qui il les adresse finissent souvent leurs jours dans d'atroces souffrances. Car l'esprit de Sauron, calculateur et rusé, n'est plus que noirceur désormais et rien ni personne ne pourrait le faire revenir vers la Lumière.





Qui étais-je avant son arrivée? Je dois dire que plus les années passent, plus cet "autre-moi" s'éloigne de celui que je suis devenu... Il me reste encore quelques souvenirs, éparses et flous pour certains...

Je me revois respirer, avec douleur et grande difficulté, mon premier bol d'air, après ma création... Je me revois rejoindre d'autres personnes, semblables à celui que j'étais...Des hommes et des femmes, chacun avec leurs propres prédispositions, qui, à leur tour, marchaient l'un après l'autre vers le Vala qu'ils allaient servir le restant de leurs jours. Je les regardais passer, l'un après l'autre, devant Eru, qui les assignait ensuite à qui de droit. Lorsque mon tour vint, je fis comme les autres et alla me prosterner devant Eru. Mon assignation fut plus longue que celle des autres. Je sentais son lourd regard sur moi mais étais incapable de relever la tête. Puis sa voix tonna dans mon esprit alors que, lorsque je n'étais encore que spectateur de cette assignation, je n'entendais rien d'autre que le bruit des pas de mes semblables foulant le sol luxuriant qui environnait Eru Iluvatar. A nouveau, sa voix résonna dans mon esprit:

Aulë

Et comme tiré par une force invisible, je me relevais et me dirigeais vers Aulë le Forgeron.

Je me souviens de mes longues années mornes de servitude envers Aulë. Chaque jour se ressemblait mais lorsque j'osais en parler à mes confrères, je constatais que cette vie leur convenait. Des interrogations se bousculaient dans mon esprit tandis que nous entendions des rumeurs sur celui qui était le frère du grand Manwë et qui avait osé, jadis, antonner son propre chant à l'encontre de celui des autres Valar. On le disait exclu à jamais, reclu dans une immense forteresse du nom d'Utumno d'où il entendait contrecarrer chaque plan des Valar... Je me revois penser à tout cela en forgeant pour Aulë, qui me surnomma l'Admirable pour mes capacités à la forge et fit de moi l'un de ses principaux serviteurs. En tant que tel, je fus à même de voir cette confrontation entre les Valar et celui qui s'appelait Melkor. De lui, pendant des années passées en Eä, je ne connus que le nom...

Je me revois un jour rejoindre les miens pour une autre journée de servitude aux côtés d'Aulë. Je les revois entourant une personne que je n'avais encore jamais vu. Il chantait un chant que je n'avais jamais entendu. Sa voix était d'une beauté rare mais ses paroles avaient chacune une note de violence qui alla trouver mon coeur et réveilla quelque chose en moi que je ne soupçonnais pas...L'envie... Je le vis les regarder l'un après l'autre et leur parler. Il s'exprimait dans une langue qu'aucun de nous ne semblait comprendre mais dès lors qu'il s'adressait à quelqu'un, cette personne semblait le comprendre au vu de l'expression qui se dessinait sur son visage. La plupart semblait appeuré, terrifié même, par ce qu'ils entendaient. Je les voyais reculer puis retourner à leurs occupations, l'air absent, comme s'ils étaient en proie à un rêve éveillé... Puis son regard tomba sur moi... Il n'y avait plus que moi. Autour de moi, tout semblait s'obscurcir pour que mon attention ne puisse que se focaliser sur lui... Et c'est alors que sa voix retentit dans mon esprit. J'en tombais à genous devant lui, comme hypnotisé par son regard et sa voix. Je ne peux dire avec exactitude ce qu'il me disait à cet instant, mais je me rappelle parfaitement ce que j'en pensais moi-même... Il a raison... C'est ce que je ne cessais de me répéter au fur et à mesure qu'il me parlait... Puis la lumière se fit à nouveau. Je me relevais et tandis qu'il partait, je me souviens avoir retrouvé, juste à ce moment précis, la faculté de parole, faculté qui m'avait abandonné depuis que ses yeux s'étaient posés sur moi:

Qui êtes-vous? lui avais-je demandé.

Il s'était alors retourné et, pendant un bref instant, son masque tomba, et j'entraperçus son véritable visage. Je reculais d'un pas, effrayé, tandis qu'il me souriait et s'en allait.

Depuis cet instant, je n'en dormais plus. Je revoyais ce visage et ce regard dans mes rêves. J'étais hanté par ce que j'avais vu et entendu... Je me réveillais en pleine nuit, en sueur et avec l'impression d'avoir parlé pendant des heures à celui que tous refusaient de nommer. Le Noir Ennemi... Il s'était emparé de mon esprit, le tourmentait à sa guise et me faisait voir et faire des choses qui pourraient réelement se produire...si je le rejoignais... D'aucun diraient que seul un esprit faible aurait pu se laisser ainsi corrompre par Morgoth... Mais les faibles sont ceux qui eurent trop peur pour le rejoindre, ceux qui reculèrent alors qu'il chantait ce jour-là. N'y tenant plus, je finis par vouloir le rencontrer à nouveau. Je lui en fis part dans mes rêves, le seul endroit où je le voyais. Sa réponse me laissa perplexe.

Le moment n'est pas encore venu... Ne change rien mais tiens-moi informer des agissements des Valar. En temps voulu, tu me rejoindras.

Et c'est ce que je fis. Je le tenais constamment informer de tout ce que j'entendais. Cela dura des années. Je remarquais que mes confrères avaient changé de comportement envers moi. Ils me fuyaient, disaient se sentir comme mal à l'aise en ma présence. Certains durent en faire part à Aulë - ou peut-être s'en était-il rendu compte de lui-même - car il se désintéressa de moi, me mit à l'écart. Je finis par n'être plus qu'un Maia marchant parmi ses semblables, écoutant les conversations, charmant les uns et les autres pour en savoir plus et, la nuit venue, je transmettais mon savoir à Melkor.

Estimant en avoir suffisamment appris, il m'enjoigna de le rejoindre en sa forteresse d'Angband, un lieu que tous décrivait comme terrifiant et sombre, où tous ceux qui y étaient allés n'en étaient jamais revenus... Que m'importaient leurs rumeurs... Ma place n'était pas - elle ne l'avait d'ailleurs jamais été - parmi eux. En m'en allant, j'officialisais ma corruption et me plaçais du côté du Noir Ennemi.

Mes lambeaux de souvenirs me ramènent encore en ce jour où j'arrivais à Angband et où je découvrais un monde que j'avais jusqu'alors insoupçonné. Je fus emmené devant lui, je me prosternais, lui jurant loyauté et servitude. Je dus bien évidemment faire mes preuves, des preuves qui changèrent mon apparence, décuplèrent mes pouvoirs et firent de moi celui que je suis aujourd'hui... Peu à peu, mon véritable nom tomba dans l'oubli... Mes ennemis, principalement les Elfes et les Hommes, me donnèrent un nouveau nom: Gorthaur pour les premiers, Sauron pour les seconds. Puis il y eut la Dagor Bragollach, le siège d'Angband où nous affrontâmes les forces des Noldor et de leurs alliés. Rapide, il y eut des morts des deux côtés mais nous fûmes victorieux, ce qui nous permit d'étendre le pouvoir de Melkor au-delà des murs d'Angband. Pour ma part, je partis pour la Vallée du Sirion et pris le contrôle de la tour de Minas Tirith, bâtie par Finrod. Métamorphosant l'île à mon image, elle est depuis sous mon autorité, peuplée de vampires et de loup-garous, conférant ainsi à mon maître le contrôle sur la Vallée du Sirion.

Mais je l'entends à nouveau m'appeler... La guerre sur Arda n'est pas terminée...Elle ne le sera que le jour où il aura enfin pleinement le contrôle de toutes les terres et de tous les peuples...


©Finrod pour le Seigneur des Silmarils: l'Ombre de Morgoth